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ChroniquesPublié le 16 mai 2023

Crise du travail : sommes-nous devenus fainéants? Chronique Radio Balises, Julie Lassalle 16 mai

Julie LASSALLE, adhérente au réseau de la Clinique du travail, est hercheuse indépendante et consultante en psycho-ergonomie,

Elle s’intéresse aux questions du travail et à la manière dont on peut transformer et concevoir des situations professionnelles adaptées aux humains du point de vue de la performance, de la sécurité physique et mentale et plus largement, du bien-être au travail.

Conditions de travail en France, quel état des lieux ?

Le contexte politique actuel est marqué par la réforme des retraites et rend brûlante la question des conditions de travail et de sa soutenabilité. On peut donc s’interroger sur leur état et leur qualité aujourd’hui. Cette question semble d’autant plus importante que l’organisme employeur est dans l’obligation de veiller à la santé mentale et physique de ses travailleuses et travailleurs et d’évaluer les risques professionnels de chaque poste de travail.

De nombreuses études montrent une dégradation des conditions de travail en France depuis des décennies. Nous sommes très mauvais élève puisque nous comptons le plus grand nombre d’accidents du travail, mortels et non mortels, de toute l’Europe , , . Et ce n’est pas mieux du point de vue des risques psycho-sociaux : stress, inquiétude, perte de sens, démission silencieuse, démotivation touchent de plus en plus de personnes en emploi , . Une personne en emploi sur trois déplore un manque d’autonomie dans son travail et une sur deux estime ne bénéficier d’aucune reconnaissance pour son travail. Pour autant, il ne s’agit pas là de rejet du travail et encore moins de fainéantise, comme on peut malheureusement parfois l’entendre, les travailleurs et travailleuses demeurent attaché.es à leur travail et le considère comme important voire très important4,5, notamment les plus jeunes. Tous ces chiffres témoignent d’une vraie souffrance et traduisent une crise profonde du travail qui doit être repensé et placé urgemment au centre du débat public et politique.

Comment peut-on s’atteler à la tâche ? A la question de la souffrance au travail ?

Une première solution serait de reconnaître cette souffrance et de penser le travail sous l’angle de l’accomplissement et du bien-être. Celui-ci ne concerne pas une injonction à être bien, à être heureux en permanence. Il renvoie à la connaissance et à la prise en compte des besoins psychologiques humains et à la nécessité de leur satisfaction au sein de l’entreprise, de s’en préoccuper.

Qu’est-ce que le bien-être au travail, comment peut-on le définir ?

La notion de bien-être psychologique est définie depuis de nombreuses années en psychologie Trois besoins primaires sont notamment reconnus comme strictement nécessaires au bien-être humain, au même titre que respirer, boire et manger, sont les minima du bien-être physiologique. Ces 3 besoins sont l’autonomie, la compétence et les relations à autrui. Actuellement, les conditions de travail ne permettent pas de nourrir ces besoins. On comprend mieux, par le prisme de cette approche, la mécanique de la souffrance au travail aujourd’hui.

Comment oeuvrer pour davantage de bien être au travail ?

Premièrement, par le développement et la reconnaissance des compétences notamment par la hiérarchie. Il s’agit de considérer la personne comme experte de son métier et des tâches qu’elle réalise et de l’impliquer en cette qualité dans les processus décisionnels. Cela suppose un changement organisationnel qui reconfigure la carte des concentrations de pouvoir. C’est-à-dire que le partage de pouvoir avec les personnes salariées devra être (re)pensé et débattu au sein des organisations ;

Deuxièmement, par un gain d’autonomie : ce besoin pose la question de la confiance de la hiérarchie vis-à-vis des personnes salariées. Là encore, cela suppose pour l’organisation de revoir ses modèles et ses représentations du travail. L’autonomie est un levier positif qui favorise l’implication et la performance ;

Troisièmement, par une attention portée aux relations et aux collectifs de travail : la gestion des conflits (les tensions et les rivalités) occuperait 3 heures du temps hebdomadaire d’un manager. Cette dimension renvoie à la qualité des relations au sein de l’entreprise, à la nécessité de s’inscrire dans une communauté, un collectif de travail et d’y apporter une contribution positive.

En résumé, l’amélioration du bien-être au travail et de la productivité, in fine, ne peut s’effectuer sans impliquer les personnes en emploi dans la construction de leurs missions et de la façon de les réaliser, au sein de collectifs de travail où chacun et chacune est reconnue et entendue comme une personne experte de sa propre activité.

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