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ChroniquesPublié le 13 juin 2023

Qu'est ce que le sens au travail? Benoit Dubois, Chronique RB 13 juin

Le sens au travail, une question cruciale et difficile

On entend en effet souvent que de plus en plus de gens, notamment les jeunes, cherchent un travail qui ait du sens. Mais je ne suis pas sûr qu’on parle tous de la même chose. D’ailleurs, savez-vous que le mot sens peut avoir trois définitions, qu’il désigne trois notions différentes ? Le sens est à la fois la signification, par exemple je ne comprends pas le sens de ce mot. C’est aussi la direction, j’étais sur la route dans le sens Vannes-Lorient, et enfin il désigne la perception, la sensation puisqu’on parle des cinq sens.

Et le sens du travail peut se comprendre avec ses trois définitions, alors je vais les associer aux trois grandes raisons pour lesquelles on travaille.

Par quelle notion commencer ?

Par celle que je l’associe à la raison première pour laquelle on travaille. A votre avis, quelle est cette raison?

On travaille pour gagner de l'argent ?

En effet! Mais je préfère dire pour répondre à ses besoins, car le salaire est surtout un moyen permettant de satisfaire ses besoins, ses envies et ceux de ses proches. J’observe d’ailleurs le développement d’une pratique pour équilibrer cet enjeu qui consiste à diminuer ses besoins plutôt qu’à chercher à augmenter son salaire, par exemple avec un travail à distance qui va permettre de vivre dans un endroit où l’immobilier est plus abordable. Par rapport à cette première raison de travailler, si l’emploi que l’on n’occupe n’a pas de sens, on parlera souvent de “boulot alimentaire”, et en général, ce n’est pas un emploi qui flatte les sens. Ce qui compte, dans ce premier enjeu de sens du travail, c’est que l’activité travail, telle qu’on la vit avec ses sensations, avec ses perceptions, vaille le coup par raport à la satisfaction de ses besoins. Ce qui est paradoxal, c’est que des emplois qui au départ peuvent être qualifiés de “bons postes” perdent leur sens quand ils nous privent de besoins premiers comme du temps avec sa famille.

Mais ce n’est qu’un premier aspect de la question du sens... Alors Emmanuel, essayer de me trouver une deuxième raison de travailler!

On travaille pour acquérir des compétences, se former, se développer ?

Pas mal du tout! Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai eu envie d’apprendre à faire plein de choses et j’ai encore envie de me perfectionner, d’étudier ou d’expérimenter. Mais dans certains domaines, alors que d’autres secteurs au contraire ne m’attirent pas. Je préfère donc dire qu’on travaille pour déployer ses talents, ces aptitudes naturelles, innées, en tout cas singulières que nous avons tous pour faire quelque chose avec plaisir, avec aisance et souvent avec succès. Par exemple, certains jeunes sont très attirés pour conduire, passent leur permis le plus tôt possible, apprennent facilement tout ce qu’ils peuvent sur les voitures. Pour d’autres, au contraire, c’est la galère, il n’y a aucun plaisir à prendre le volant, et le permis de conduire est juste un document administratif indispensable.

Pour revenir au sens, on prendra cette fois avec la notion de direction. Un travail qui a du sens est un travail qui permet de se déployer, de se développer et de s’accomplir, alors qu’un emploi qui part dans le mauvais sens est un emploi qui est aliénant, qui ne permet pas l’exercice de la liberté, qui brime la capacité d’adaptation et l’initiative nécessaires au perfectionnement. C’est par exemple le taylorisme, qui n’a pas du tout disparu même si on est passé aujourd’hui à un taylorisme digital où l’activité est standardisée en process, ce qui permet de la mesurer et de la contrôler en permanence.

On travaille pour donner du sens, une signification ?

C’est lié à la troisième raison qui nous pousse à travailler, c’est-à-dire le service qu’on rend aux autres, à la société, même si ça passe par le service rendu à ses clients ou à ses collègues. Le travail a du sens si je peux vivre mon travail comme un service que je rends. Il ne faut pas tomber dans l’utopie d’une économie où il n’y aurait plus de marché et de contrats, mais un travail a plus de sens quand il participe à un projet qui dont le monde a besoin et surtout quand on a envie de s’engager, de se donner à ce projet précis. Il y a une dimension objective de l’utilité sociale d’une activité, il y a surtout une dimension subjective: un travail a beaucoup de sens lorsque celui qui le fait peut à travers sa contribution apporter ce qu’il a envie de donner de lui-même au monde.

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