De « vieux », à « seniors » et enfin à « profils expérimentés », qu’est-ce qu’on attend de ces personnes ? Gael CONAN, Chronique Radio Balises 1er octobre

Allez, Marty, on va jouer à Retour vers le futur, dans les années 90, est arrivée une appellation peu flatteuse… Les « seniors ». En effet, la conjoncture économique n’était pas florissante et les entreprises, quand elles y avaient intérêt, poussaient à la retraite des salariés de 50-55 ans (C’était l’époque des fameuses pré-retraites et heureux ceux, qui ont pu en profiter.)

Le choix de vous coller cette étiquette pour passer de « salarié normal » à « salarié senior » s’est donc faite à 45 ans. Vous recevez donc un courrier vous indiquant comment vous connecter à votre espace retraite et, vous avez le droit théoriquement à un entretien supplémentaire avec votre N+1 pour voir comment vous allez vous adapter.

Bref, si ça ne coûtait pas si cher, la pré-commande du déambulateur serait en route.

Qu'elle n’a donc pas été ma joie d’entendre cette appellation de profil expérimenté à la place de senior !
Pour ma part, en tant que « senior +10 », ou dénommé maintenant « profil expérimenté », je me retrouve complètement dans cette appellation. Imaginez, depuis que j’ai commencé à travailler, je suis passé :

Du téléphone à cadran tournant aux smartphones. (exit les cabines téléphoniques)
Du minitel et des PCs sous DOS avec leurs lettres vertes, aux tablettes tactiles et PCs quantiques.
De pas de télé, à celle en noir et blanc, puis celle en couleur de l’ORTF aux bouquets satellites avec du replay.
Des dessins techniques fait manuellement sur calques au rotring sur une planche à dessin, aux logiciels de dessin en 2D et 3D. Voir maintenant aux casques de réalité virtuelle.
De Pink Floyd sur Vinyle, en passant par les cassettes, puis les CDs pour revenir aux vinyles. Ah oui, de temps en temps ça bug !

Bref, beaucoup d’exemples qui montrent notre capacité d’adaptation, d’apprentissage, quel que soit l’âge, pour peu que la formation suive également. Et ces apprentissages, ces essais, ces erreurs façonnent l’expérience.

Curiosité et adaptabilité. Un nouveau logiciel, un nouveau projet ? Beaucoup d’entre nous, pour peu que l’environnement le favorise, serons intéressés d’apprendre encore.
Résilience et disponibilité. Ils en ont vu d’autres, savent prendre du recul et en plus, maintenant, les enfants sont grands.

Patience et tempérance. Avec l’expérience et les accidents de la vie vient la prise de recul, l’écoute et le ressenti intuitif du fonctionnement d’une équipe.

Envie de transmettre. Ils adorent montrer leurs astuces, notamment envers les apprenti(e)s, les jeunes.

Pour certains, ils ne veulent plus être khalife à la place du khalife et gravir les échelons à tout prix.

On ne va pas le cacher, pour celles et ceux qui ont eu des métiers pénibles physiquement dans leur première partie de carrière, il y a des douleurs physiques, des maladies chroniques, des restrictions pour accomplir certaines missions.
.Ils connaissent leurs limites, celles qu’ils ne veulent plus franchir pour un employeur et savent le dire.

Le rapport au temps. Aujourd’hui tout est urgent, à faire tout de suite, sans réfléchir, or parfois, réfléchir peut-être utile pour éviter de grands désarrois.

La petite musique qui dit qu’à partir de 45, allez 55 ans, on est « senior » a fait des ravages. On persiste à faire penser que le déclin est là, que l’efficacité va décroitre brutalement.
C’est aussi pour ça que les réformes des retraites passent aussi mal dans notre pays. Comment motiver des personnes à travailler plus longtemps alors qu’on leur montre par A+B qu’on ne veut plus d’eux à partir de 50-55 ans ?

Il y a aussi le paradoxe de devoir omettre certains détails sur son CV pour ne pas paraitre trop qualifié, des réponses qui vous disent que vous allez vous ennuyer à ce poste, alors que la personne veut travailler sans nécessairement vouloir rentrer en compétition avec d’autres.

C’est aussi d’entendre comme conseil d’être proactif dans sa recherche d’emploi, de ne pas hésiter à harceler l’entreprise qui a passé l’annonce dès que vous avez envoyé votre CV.

L’idée étant d’être sûr qu’elle a reçu votre candidature et de lui rappeler très régulièrement votre motivation…

Dans l’éducation reçue par les boomers, il y a le respect, alors au bout du 100ème CV envoyé sans recevoir de réponse, comment ne pas baisser les bras, ne pas perdre confiance et devenir aigri ? Le respect, ça fonctionne dans les deux sens, faut pas l’oublier.

Le paradoxe aujourd’hui, c’est d’entendre qu’il est difficile de recruter sans revenir à la base. Le deal, c’est que contre rémunération et dans le cadre d’un contrat, je vais accueillir un être humain pour qu’il m’apporte son savoir-faire, son expérience. A charge pour lui de respecter ce contrat, d’intégrer et collaborer avec d’autres êtres humains pour un but commun.