L'impact de l'Intelligence Artificielle sur le travail, Benoit DUBOIS Chronique Radio Balises 24 septembre

Il y a peu de secteurs qui ne soient pas concernés et des milliers d’emplois vont disparaître. Depuis les secteurs où les conducteurs de machine sont de moins en moins nécessaires, par exemple dans les transports ou l’industrie, jusqu’à des secteurs qui emploient des salariés très diplômés ou spécialisés, comme la banque ou les médias, qui étaient jusque-là épargnés par l’automatisation. En réalité, l’IA n’est pas une menace, c’est une réalité qui arrive. La vraie menace, c’est la brutalité avec laquelle les choses vont changer, et il serait urgent d’avoir un volet social dans la politique de développement de l’IA, pour aider les transitions professionnelles depuis les activités où l’homme va être remplacé vers les métiers qui vont perdurer ou apparaître.

Je dirais surtout qu’il y a des opportunités dans l’emploi, dans la façon de travailler. L’IA ne sait pas tout faire et pour certaines activités le travail humain a de beaux jours devant lui. Le plus évident est que l’IA ne sait pas créer. Une IA est un outil conçu pour donner la réponse la plus conforme ou la plus performante, mais c’est impossible que ce soit une réponse inédite. D’où nous vient, chez nous humains, la capacité d’avoir des idées vraiment nouvelles? C’est assez mystérieux, mais nous l’avons, sinon nous serions encore dans nos cavernes, et personne n’aurait rien inventé ou découvert. Pour continuer à innover, à aller de l’avant, il faut des intelligences humaines. Les animaux s’adaptent, les IA apprennent, les humains créent. L’IA va faire les choses répétitives en nous laissant la créativité.

Donc les secteurs innovants embauchent, mais les autres secteurs doivent aussi garder des êtres humains capables de les faire évoluer voire se réinventer.

La deuxième richesse de l’humain, c’est l’émotionnel. Que ce soit pour vibrer ou pour faire vibrer, rien ne vaut le live!

On se parle de moins en moins pour échanger des informations purement factuelles, en revanche le contact direct, interpersonnel est incontournable pour donner à nos échanges un poids affectif ou émotionnel, ce qui a aussi sa place dans la vie professionnelle et les échanges économiques, et je pense en particulier à la relation client qui est génératrice de valeur.

Oui, heureusement, et c’est en ce sens que je pense que l’arrivée de l’IA est un révélateur de ce que nous apportons de plus fort par le travail humain. C’est ce qui constitue notre responsabilité, c’est la question de la prise de décision.

Nous prenons pleins de petites décisions qui s’appuient sur des perceptions et des apprentissages. L’intelligence artificielle, couplée à de bons senseurs, sera plus précise et plus rapide que l’intelligence humaine, traitera des situations de plus en plus compexes, encore que l’intelligence intuitive soit vraiment très performante.

Mais il arrive que la décision soit difficile à prendre. Pas seulement à cause de la complexité, aussi à cause de l’incertitude du futur, que nous humains pouvons imaginer, pour mieux nous y préparer, et surtout du non-quantifiable, du non mesurable, par exemple la valeur morale, le poids symbolique, la question du sens, etc. Là, l’intelligence humaine reste incontournable, et on parlera de “discernement”. Je pense à des domaines comme le social, le judiciaire, l’éducation et bien d’autres. Il faut les humaniser en profondeur.

Mais il y a une autre façon de décider et d’assumer ses responsabilités, c’est à travers l’initiative. Une initiative, c’est la décision de faire quelque chose qui n’est pas prévu par la fiche de poste mais qui est pourtant indispensable pour que la mission soit remplie. Un cocktail de décision et de créativité, avec un zest d’émotion! L’IA, qui n’a pas de responsabilité, prendra-t-elle des initiatives?

Et bien je l’ai fait. Il dit presque la même chose que moi, mais de manière complètement impersonnelle. En fait, il n’a aucun humour, et aucun talent.

On parle d’intelligence artificielle, on devrait peut-être dire “compétence artificielle”, à opposer côté humain de ce que je nomme les talents naturels, qui trouvent toujours à se déployer et à se réinventer.