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ChroniquesPublié le 26 novembre 2024

L'usure professionnelle, Gael CONAN Chronique Radio Balises 26 novembre

L’usure professionnelle un concept longtemps refoulé ?
Gael CONAN, coach spécialisé dans la prévention et l'accompagnement de l'épuisement professionnel et coaching de dirigeant.

A écouter : https://radiobalises.com/station/miam-et-usure-professionnelle/

Aujourd’hui, Gaël, tu fais un parallèle entre la vie d’un pneu pour expliquer l’usure professionnelle ?

Oui, je vais vous raconter une histoire mais attention, on ne s’endort pas.

Il était une fois, un p’tit pneu tout neuf et bien noir avec ses p’tits picots de caoutchoucs sur les côtés et ses traits de couleurs sur la bande de roulement... Gonflé à bloc et tout guilleret de bientôt partir à l’aventure, il se retrouve bientôt à rouler sur des routes parfois cahoteuses, parfois humides, enneigées ou très chaudes… Mais il subit aussi des arrêts brutaux où il reste immobile, dans l’impossibilité de tourner, se brûlant et se déformant ainsi pour laisser une trainée noire sur l’asphalte. Au final, kilomètres après kilomètres, il s’use. Un effritement discret, imperceptible et puis un jour, un clou sournois le transperce… une mèche lui est alors posée et lui permet de repartir à l’aventure, mais il n’est plus le même car, à chaque tour de roue, il sent cet endroit qui le gêne.
Bien souvent il entend des histoires de pneus trop usés qui ont explosés de façon spectaculaire, éparpillant des morceaux de gommes sur ces routes tant parcourues…un genre de baroud d’honneur du pneu quoi ! Mais un jour, une visite au garage le condamne, il est arrivé au témoin et doit être remplacé, par un plus jeune, dont les sillons sont bien creusés, qui sent le caoutchouc neuf....Il voudrait bien prévenir son remplaçant, lui dire qu’il part pour un marathon et qu’il doit se protéger, mais celui-ci n’entend pas, n’écoute pas…

Eh bien, pour nous, c’est pareil : vouloir faire ses preuves, faire vite en dépit de sa sécurité, sa santé, faire des journées à rallonge ponctuées de réunions interminables où on débat de tout sauf de l’essentiel... Ça laisse des traces !

Pour en revenir à l’usure professionnelle, est-ce qu’il existe une définition ?

Pour l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail), l’usure professionnelle est définie comme un processus d’altération de la santé qui s’inscrit dans la durée et qui résulte d’une exposition prolongée à des contraintes de travail .

Par exemple: port de charges lourdes, objectifs irréalistes, injonctions contradictoires, pression temporelle… Les symptômes, vous les connaissez sûrement: fatigue constante, sommeil perturbé, douleurs dans le corps et à l’extrême, avoir envie d’étrangler votre collègue Kevin qui lève les yeux au ciel dès que vous lui demandez de faire son job. Et au final, envie de vous retirer comme ermite dans un ashram en inde

Qu’est-ce qui favorise l’apparition de l’usure professionnelle ?

Les causes sont multi-factorielles, et on va plutôt parler de contraintes :

• Organisationnelles, avec des hyper-sollicitations physiques, cognitives, psychiques, causées par des stratégies d’entreprise opaques, des horaires atypiques, la pression temporelle, des objectifs irréalistes avec des moyens en baisse… ? .

• Environnementales. On parlera de contraintes physiques avec des gestes répétitifs, le travail posté, l’exposition à des températures élevées ou très basses, à des substances nocives aussi. Ainsi qu’au manque de reconnaissance, de dialogue et d’écoute.

• Et puis des contraintes individuelles. Le genre, homme ou femme, notre histoire, nos études, notre milieu familial, notre âge également. Notre personnalité aussi, si on est empathique, perfectionniste, engagé…et enfin notre état physique, mental, notre résilience face aux évènements.

Pourquoi en parler comme d’un concept refoulé ?

En fait, jusqu’en 1983, ce sujet était tabou. Selon Alain Cottereau directeur de recherche au CNRS et de l’école des Hautes Etudes en Sciences Sociales, cet aspect de l’usure au travail n’avait aucun statut scientifique reconnu dans aucune discipline des sciences humaines. Et il précise à cette époque, que des mécanismes de refoulement étaient à l’œuvre depuis le début de la révolution industrielle, soit un siècle et demi avant. Bref, l’usure au travail, on n’en parlait surtout pas ! Aujourd’hui, vu le coût pour la société, l’allongement de la durée du travail, on ne peut plus se voiler la face. En 2019, la DARES publiait le chiffre de 10 millions d’actifs qui déclaraient avoir une maladie chronique ou un problème de santé durable.

Comment faire pour prévenir cette usure professionnelle ?

. Physiquement, c’est d’avoir une bonne hygiène de vie, privilégier la qualité et quantité de sommeil, faire de l’activité physique et avoir une alimentation saine.

C’est aussi se protéger, accepter de porter les équipements de protection (EPI) et de savoir protéger ses collègues aussi.

Graver dans son agenda, un moment rien qu’à soi dans la semaine !

• Adopter un état d’esprit positif. C’est voir dans chaque défi des opportunités d’apprentissage, voir le verre à moitié plein, exprimer sa gratitude envers soi, les autres.

• Renforcer ses relations. (famille, amis, collègues…) Se trouver des mentors, des modèles inspirants. Parler, échanger même si nos avis divergent.

• Développer ses compétences d’adaptation. Apprendre à dire « non », à lâcher-prise, à gérer son stress, renforcer sa capacité d’écoute, de compréhension et de questionnement de l’autre, continuer à se former.

• Donner un sens à ses expériences. Réfléchir aux valeurs et objectifs qui nous motivent, mettre l’accent sur nos réussites passées et accepter d’être moins exigeants envers soi même.

• Pour le manager, c’est aussi être à l’écoute, montrer l’exemple, accepter d’être vulnérable, de ne pas savoir.

Et parfois, se faire accompagner pour avoir un regard extérieur et pour changer notre propre regard sur nous.
Comme je le dis régulièrement, la vie professionnelle est une route longue et sinueuse, et on doit adopter des attitudes salutogènes pour éviter de finir comme des pneus lisses ou en explosant dans un burn-out flamboyant.

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