ChroniquesPublié le 05 novembre 2024
La médiation équine pour le travailleur ? Tabatha THIEBAUT-RIZZONI, Chronique Radio Balises 5 novembre
On peut se demander quel est l’intérêt de la médiation équine pour des professionnels et plus généralement dans le milieu du travail. Déjà, pour qu’on parte sur les mêmes bases, je vais rappeler succinctement ce qu’est la médiation équine. De manière simplifiée, il s’agit de recevoir des patients non pas dans un cabinet psy mais à l’extérieur avec les chevaux pour traiter de diverses problématiques. Le cheval étant un animal imposant, attentif aux sensations qu’il perçoit dans son environnement et chez autrui, doux et porteur à la fois, il offre des axes de travail variés.
Il y a de multiples pratiques de médiation équine qui sont dépendantes de la spécialité du thérapeute. La plus médiatisée est l’accompagnement des enfants présentant des troubles autistiques. On a souvent l’image d’une séance de groupe en manège où des enfants sont avec des chevaux ou des poneys.
En écoute par ici :
https://radiobalises.com/station/qualite-de-vie-au-travail-et-mediation-equine/
Tabatha THIEBAUT RIZZONI est psychologue du travail, spécialisée dans l'accompagnement en thérapies comportementales et certifiée en CNV et médiation équine.
C’est en effet une pratique qui a un réel intérêt, mais c’est loin d’être la seule. Il y a aussi des pratiques centrées sur l’accompagnement relationnel ou sur la motricité dans un cadre de rééducation physique par exemple. Et ça ne concerne pas seulement les enfants. Les chevaux sont de très bons médiateurs pour les adultes aussi. Des séances de médiations peuvent être tout aussi pertinentes pour quelqu’un comme toi et moi, qui ne présentons pas de trouble spécifique.
Comment utilisez la médiation équine dans l'accompagnement ?
Alors je l’utilise principalement avec des adultes sur des questions de confiance en soi, d’affirmation de soi, de lâcher-prise, de communication non verbale. Il peut s’agir de demandes de la part des personnes ou d’une proposition que je fais lors d’un suivi quand je vois que c’est pertinent et que la personne est réceptive.
On peut aussi proposer des séances avec les chevaux à des entreprises pour travailler sur la cohésion, le travail d’équipe, la collaboration, l’authenticité, les relations au travail. J’avais d’ailleurs participé à un séminaire d’entreprise où des groupes de travail avec les chevaux étaient intégrés. Il y avait un cheval pour deux personnes et différents exercices étaient proposés. Les séances avaient amené les managers à réfléchir à leur méthode de travail existante et à envisager d’autres modes de fonctionnement. Dernièrement j’ai échangé avec une enseignante chercheuse sur la perspective d’intégrer des séances avec les chevaux à certaines Unité d’Enseignement (UE) avec des objectifs pédagogiques centrés sur les influences sociales, les différentes postures en groupe, le respect de soi-même et autrui, et le fait de gagner en autonomie et développer ses compétences managériales.
Dans ma pratique de psychologue du travail la médiation équine peut être pertinente en accompagnement individuel ou collectif, pour des travailleurs expérimentés, des travailleurs en devenir et également des travailleurs en quête de sens dans leur vie professionnelle.
Un exemple de séance et son utilité
Un cas clinique. L’année passée j’ai échangé avec une personne qui est très dans le mental, qui avait vécu un épisode de burnout et qui se lançait tout juste à son compte. La charge mentale était importante. Je lui ai donc proposé une séance de médiation équine centrée sur le lâcher-prise. Ce e personne, que je vais appeler Madame A, ne connaissait pas les chevaux. Nous nous sommes données rendez-vous dans une pension de propriétaires de chevaux et non pas dans un centre équestre.
Peut etre en aparté : le cadre verdoyant, calme et isolé est pour moi un atout important favorisant l’instant présent et le non jugement étant donné qu’il y a peu, voire pas, de regard extérieur. Nous sommes allées chercher la jument au pré. Madame A l’a brossée pour prendre contact avec elle, se sentir en sécurité et créer du lien. Elle l’a ensuite menée à pied jusqu’à un chemin de prairie, entouré d’arbres.
Madame A est ensuite montée sur la jument, à cru (c'est à dire sans selle) pour être au contact direct du poil et mieux ressentir la chaleur et les déplacements.
Je lui ai progressivement proposé des exercices de lâcher prise, centrés sur le ressenti de son corps au contact du cheval, l’écoute de son corps par le mouvement du cheval au pas, le
relâchement des épaules, la respiration, etc.
Au bout d’une dizaine de minutes, j’ai vu les épaules de Madame A se détendre et la jument a baissé la tête, a soufflé bruyamment puis a adopté une attitude beaucoup plus détendue qu’au début. J’ai indiqué ce que j’ai vu sur la jument à Madame A qui m’a confirmé qu’elle-même s’était détendue.
Madame A a souhaité prolonger son temps à cheval et lorsqu’elle est descendue, les larmes sont coulées d’elles-mêmes et le stress s’est évacué. Nous avons par la suite pu continuer à échanger sur la problématique de charge mentale. Ce genre de séance peut être utile pour poser la réflexion dans la suite de la thérapie par exemple. Un autre cas clinique serait un homme d’une trentaine d’année venu pour découvrir la médiation équine, sans demande particulière. On a travaillé sur la relation, la gestion des obstacles, le lien à l’autre et la collaboration. Beaucoup de matière est ressorti de cette séance, notamment la relation de ce trentenaire à la notion de performance, de réussite et d’échec. . Et vous chers lecteurs, que pensez-vous que la médiation équine pourrait vous apporter ?