LE COLLECTIF DE TRAVAIL, UN OUTIL INDISPENSABE DANS LA PREVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX, Chronique 17 octobre Isabelle JEGOU

La question du collectif de travail est un des éléments important de la psychologie clinique du travail et notamment de la psychodynamique du travail. Cette discipline qui émane de l'ergonomie et psychopathologie du travail a pour objet d'apporter des éléments de compréhension quant à la souffrance au travail.

Elle va s'intéresser en particulier aux relations interpersonnelles qui entourent la production d'un effort. Effort qui sera ici défini par le travail. Dans le travail, comme quand nous fournissons un effort, il y a l'idée du gain (on travaille pour obtenir quelque chose un salaire, de la reconnaissance, se sentir utile...) mais il y a aussi l'idée de perte qui va correspondre à l'énergie physique et psychique que nous allons déployer pour faire notre travail.

Nous qualifions cette approche de dynamique car nous allons nous intéresser aux rapports que nous entretenons avec nous même, avec la matière (l'objet de travail) et avec notre environnement de travail ainsi que son fonctionnement (les contraintes liées à l'organisation du travail, les protocoles, les process....). Le travail demande une perpétuelle adaptation, et de nombreux ajustements. Nous allons donc regarder ce qui se passe entre l'organisation prescrite du travail défini par l'organisation du travail et l'organisation réelle du travail c'est à dire tout ce qui se passe vraiment dans la situation de travail.Cet écart est ce que Christophe DEJOURS nommera le Travailler, . C'est dans cet espace que le travailleur va pourvoir faire preuve d'initiative, de créativité pour réajuster la tâche ou la règle quand cela est nécessaire. Comme vous le savez le travail se fait rarement seul et est avant tout collectif et collaboratif. Pour bien travailler nous devons avoir la possibilité de nous appuyer sur un collectif de travail. Et ce collectif est depuis plusieurs années mis à mal par certaines organisations de travail ou s de management.

En psychodynamique du travail, nous définirons donc le collectif de travail comme « un ensemble de personnes qui partage un objet commun, des règles de métier tout en respectant la façon de faire de chacun et il contribuera à soutenir les stratégies de préservations de la santé de chacun ». Le collectif va se construire par la reconnaissance des compétences de chacun, la confiance et les échanges de valeurs. Il va être un lieu de coopération et d'élaboration. Il va nous permettre de penser le travail, de ré-élaborer les règles par rapport aux nouvelles organisations du travail et aux nouvelles législations. Les espaces de discussion formels et informels vont donc être primordiaux pour comprendre et réajuster collectivement les processus qui permettent aux travailleurs de bien faire leur travail. Cela va au delà de la question de solidarité face à la tâche. Cela veut dire accepter que les enjeux collectifs passent avant les enjeux individuels, ce qui nous demande d'accepter la perte d'une certaine liberté dans l'action. Cependant il sera toujours plus facile et rassurant de lutter collectivement que seul

Ce qui peut mettre à mal un collectif de travail, est l'absence de cadre d'intervention, de règles rattachées à un métier (ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas et surtout comment nous devons le faire), certain règlement intérieur s'il vient impacter les règles de métier, certaines procédures si elles sont trop éloignées de la réalité du travail et qu'elles mettent le travailleurs dans des impossibles, une hiérarchie écrasante par un excès de contrôle qui empêche les espaces de coopération, délibération. L'individualisation face à la tâche, face à la hiérarchie, la surcharge de travail dans un temps imparti de plus en plus court, ne favorisent pas les temps de rencontres, de dialogue, de débat, socles du collectif.

Le collectif a donc plusieurs fonctions

–réguler pour adapter et investir les règles de métier

–transmette (les bonnes pratiques, les ficelles de métiers pour un travail de qualité (les petits trucs et astuces que les travailleurs ont trouver au fil du temps de l'expérience pour face au réel du travail et répondre aux attentes de l'entreprise)

–protéger, nous faisons évoluer ensemble la pratique professionnelle.

Le collectif permet donc à l'individu de prendre quelques libertés avec les procédures afin que cela fonctionne. Dans une usine si les travailleurs appliquent à la lettre les process, l'usine s'arrête de fonctionner en quelques minutes.

Il va contribuer aux sentiments de reconnaissance, de sécurité...et donc d'accomplissement, d'épanouissement et surtout il va permettre à chacun de faire son travail, donc d'être productif tout en recherchant la qualité, l’efficience.

Si nous regardons la question du changement qui est souvent source de souffrance, je reste persuadée que les salariés ne sont pas par nature réfractaire au changement mais celui-ci doit être accompagné.Si l'entreprise n'est pas maîtresse des contraintes extérieures qui s'impose à elle, elle est responsable quant à la façon dont elle va décliner l'organisation du travail pour y répondre. Elle a aussi le choix entre produire plus ou produire mieux. Quand le travail est difficile, que les organisations du travail ne prennent pas en compte la réalité du travail, les injonctions paradoxales,la perte de sens, les recherches montrent que « penser collectivement les moyens de faire face individuellement aux contraintes liées au travail, à l'activité est essentiel pour préserver la santé des travailleurs ».

Dans ce contexte, je pense que le dirigeant, le manager a un rôle important car il doit permettre de réunir les conditions à la bonne marche du collectif de travail afin que le collectif puisse jouer son rôle de régulateur. Damien CRU dira « la valeur d'un chef réside en sa capacité à laisser émerger les solutions et les propositions du collectif ». Et ce n'est pas toujours une tâche aisée.