ChroniquesPublié le 07 janvier 2025
Le syndrome de l'imposteur Isabelle JEGOU, Chronique Radio Balises 7 janvier
Pour bien débuter l'année sur Radio Balises
Le syndrome de l'imposteur : l'identifier, le comprendre pour avancer
Merci Isabelle JEGOU, psychologue du travail pour cette belle chronique.
En écoute : https://radiobalises.com/station/etre-mister-france-et-le-syndrome-de-limposteur/
Retrouvez nous chaque mardi midi, en direct dans l'émission économique.
Pourquoi ce thème?
J’ai entendu parler pour la première fois de ce syndrome au cours de mes études de psychologie mais mon choix d’en échanger avec vous aujourd’hui est lié principalement à deux raisons :
La première est liée à la présence de plus en plus importante de cette question dans notre société : les études montrent que 70% des personnes interrogées nomment avoir éprouvé à un moment ou autre de leur vie professionnelle ou personnelle des sentiments liés au Syndrome de l’imposteur.
Nous savons que ce « syndrome de l’imposteur », touche en majorité les femmes, mais les hommes ne sont pas épargnés pour autant.
La seconde est liée aux personnes en souffrance que j’accompagne qui viennent parler de ce sentiment de ne pas être à la bonne place, qui doute de leurs compétences, de leur légitimité.
D'où vient ce concept?
Tout d’abord, il est important de préciser que nous ne devons pas comprendre le mot imposteur au sens littéral du terme à savoir « une personne qui abuse de la confiance d’autrui par des mensonges, en usurpant une qualité ». Car dans cette définition élémentaire, l’intentionnalité est présente et la question de la peur de se faire démasquer est souvent inexistante. Notre propos nous ramène ici au concept inventé en 1978 par deux psychologues américaines Pauline CLANCE et Suzanne IMES. Elles le définiront chez des femmes brillantes comme « l’impression secrète d’être de fausses intellectuelles ». Cela parle de notre rapport subjectif au mon qui nous entoure.
En effet, ce phénomène donne à celui qui le vit le sentiment de ne pas mériter la place qu’il occupe. Les réussites seront plus attribuées à de la chance, à des circonstances extérieures qu’à son travail, son propre mérite.
Elles ont donc défini ce syndrome qu’elles renommeront par la suite « expérience de l’imposture » (le terme syndrome ramenant plus à la pathologie mentale) autour de trois caractéristiques :
-La croyance que les autres surestiment nos atouts et nos compétences
-La peur d’être découvert et stigmatisé
-La tendance systématique à attribuer nos réussites à des facteurs externes comme la chance ou un travail acharné.
La personne est donc confrontée à une sorte de « conflit interne » entre la perception qu’elle se fait des autres et la façon dont elle se perçoit elle-même. Certains parleront aussi de biais cognitif (notre mécanisme de pensée va être à l’origine d’une altération de notre jugement).
Ce phénomène psychologique altère donc la perception que nous avons de nous-même et accentue un sentiment d’illégitimité.
Quels en sont les causes et les symptômes?
Le syndrome de l’imposteur c’est comme vivre ses expériences personnelles ou professionnelles avec un Jiminy Cricket aux pensées négatives qui vous amène à douter de tout ce que vous faites et de vous-même et ce malgré des expériences positives et des preuves extérieures de vos compétences. Sans compter la crainte, la peur d’être démasqué : les gens vont se rendre compte que je ne suis pas capable, que j’ai eu de la chance….
Les formes et l’intensité varient selon les individus.
Sans dresser une liste exhaustive, voici quelques symptômes :
-Doute constant de soi
-Attribution des succès à des facteurs extérieurs
-Peur d’être démasqué
-Incapacité à internaliser les succès
-Tendance à la superformance : en faire toujours plus de peur de ne pas être à la hauteur et pour éviter les critiques
-Perfectionnisme
-Minimiser ces réussites
Il y a quelques années, le docteur Valérie Young a divisé le syndrome en cinq sous-groupes qui traduisent des mécanismes de défenses psychologique
-Le perfectionniste : exigeant, besoin de contrôler. L’échec amène au doute et à remettre en cause leurs compétences
-La superwoman ou le superman : travaille beaucoup, cherche à se surpasser mais cela parle d’un sentiment d’insécurité
-Le génie naturel leurs compétences ne seraient pas le fruit de leurs efforts mais d’une habileté innée
-Le soliste vouloir être autonome à l’excès jusqu’à refuser de l’aide pour montrer qu’on est capable
-L’expert vouloir en savoir toujours plus pour ne pas être pris au dépourvu
Ce « syndrome de l’imposteur » vient impacter l’estime de soi, la confiance en soi. Les causes sont bien souvent multifactorielles et à rattacher à chaque histoire de vie :
Attentes parentales de réussites professionnelles ou sociales trop élevées ou trop faibles pourraient être une cause, ou un adulte ayant manqué de soins ou d’attention enfant ce qui a pu affecter son estime et sa confiance en lui.
Selon Johanna ROZEMBLUM psychologue, ce n’est donc ni une maladie, ni un trouble psychique mais plutôt un mécanisme de défense psychologique. Ce phénomène ne se fonde pas sur la réalité mais l’insécurité.
Mais, il est important de préciser que « le syndrome » ne définit pas à lui seul, la personne. C’est parce une partie des pensées est phagocytée de façon négative, à un moment donné dans une situation donné que ce phénomène créé du doute, de l’anxiété, du stress, de la souffrance pour celui qui le vit de façon épisodique ou chronique et a un impact direct sur les situations de travail ou dans la vie personnelle.
Comment pouvons nous le surmonter?
Il faut avant toute chose briser le silence, en parler. Un certain nombre d’approches thérapeutiques peut aider à comprendre et dépasser ce syndrome.
Dans le cadre de mes consultations, je trouve intéressant de proposer à la personne L’échelle de Clance qui a été créée pour évaluer si les personnes souffrent du « syndrome de l’imposteur » et surtout à quel degré d’intensité : degré de perception de ses compétences, d’être à la bonne place, son rapport à la reconnaissance, à la tâche accomplie...
Au-delà des résultats qui donnent une certaine orientation, cet outil me permet d’amener la personne à argumenter certaines de ses réponses au travers d’exemples concrets et objectivables : sortir de sa subjectivité terreau de ce syndrome.
Ce n’est pas le travail qui est à analyser mais la perception que la personne a de son travail.
En déconstruisant la situation de travail, mon objectif est d’amener la personne à identifier et différencier ses émotions, ses pensées, ses opinions. Cet exercice, nous conduit à explorer le parcours de la personne tant familial que professionnel (environnement professionnel, mode de management, organisation du travail) afin d’en comprendre le processus et tenter d’identifier les causes de cette insécurité. Prendre de la hauteur, et accepter de voir la situation sur un angle plus positif en mettant en exergue les forces, les atouts afin de travailler l’estime et la confiance en soi. Amener la personne à penser la situation autrement. Parler de ses peurs et remettre en question ses pensées négatives. Adopter un regard bienveillant envers soi-même : élaborer une nouvelle réponse aux échecs, élaborer des nouveaux scénarios.