ChroniquesPublié le 22 avril 2025
Les femmes et le plafond de verre par Isabelle JEGOU, Chronique Radio Balises 22 avril
Une réalité toujours présente...
Isabelle JEGOU est psychologue du travail
Il y a une dizaine d’année j’avais réalisé avec une collègue une enquête de terrain autour de cette notion.
En effet, nous cherchions à comprendre pourquoi à compétences égales, les femmes peinaient à accéder aux hauts postes de pouvoir et de responsabilité.
10 ans se sont écoulés, la société a évolué, les lois se sont multipliées en faveur de l’égalité professionnelle, jusqu’à instaurer des quotas dans les conseils d’administration des grandes entreprises, les discours se veulent plus favorables à la question de la parité et pour autant ce plafond de verre semble résister.
Afin que nous puissions bien cerner la question, à quoi correspond ce concept de plafond de verre ?
Cette expression imagée a été inventée aux Etat Unis dans les années 70. Elle désigne la situation des femmes à l’égard des postes de pouvoir dans les entreprises. En 1997, le Bureau International du Travail le définissait ainsi « le plafond de verre constitue les barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités…Le terme plafond de verre illustre bien le constat que lorsqu’il n’existe aucune raison objective pour que les femmes ne s’élèvent pas, comme le font les hommes, jusqu’aux plus hautes fonctions, c’est une discrimination inhérente aux structures et aux dispositifs organisationnels des entreprises ainsi qu’à la société, qui intervient. »
Le travail reconnu par la société source de rémunération, d’épanouissement a été durant de nombreux siècles une affaire d’homme. L’histoire du travail des femmes s’inscrit dans une longue Odyssée, traversée par d’importantes luttes et mutations de notre société.
Quels seraient les obstacles ?
Les hommes se sont historiquement toujours emparés de la Direction des entreprises. L’entreprise a été créée par des hommes pour des hommes. Aujourd’hui malgré l’évolution de la législation, les mutations culturelles, les hommes et les femmes sont encore victimes des « genres masculin et féminin », héritage de notre société. La représentation sociale du poste de responsabilité reste encore marquée par des stéréotypes masculins et constitue des freins à l’accession des femmes au sommet.
De plus pendant longtemps, les hommes ont eu l’habitude de cultiver des réseaux professionnels et sociaux pour consolider et étendre leur pouvoir. Ils se connaissent, se cooptent, usent du mentoring et noyautent ainsi les recrutements et avancements aux plus hauts sommets de la hiérarchie. Les femmes moins carriériste ont cru pendant longtemps que c’était une perte de temps. Elles ont toujours misé essentiellement sur leurs compétences et leur performance. Encore aujourd’hui le réseau des femmes est insuffisant par rapport à celui des hommes.
Dans la mesure où les habitudes sociales veulent que les femmes soient affectées aux tâches domestiques, le manque de disponibilité apparait au chef d’entreprise ou au conseil exécutif de grands groupes comme un obstacle important à l’embauche d’une femme à responsabilité. La maternité reste un frein à l’évolution des carrières des femmes.
Un autre blocage à l’évolution professionnelle des femmes serait selon certains chercheur leur propre comportement face à leur carrière. Auto-censure, peut-être marquée par le poids d’une culture patriarcale pas si lointaine. Les femmes ne manifesteraient pas suffisamment leurs souhaits professionnels, leurs ambitions quant à accéder à des postes à responsabilité.
Quand est-il des femmes qui ont réussi à dépasser ce plafond de verre ?
Tous les efforts consentis tant au niveau de leur niveau d’étude que par l’évolution du cadre législatif en matière de parité et d’égalité homme femme ont permis en 40 ans de passer de 21% de poste de cadre pour les femmes à 43%. Mais attention, cela ne veut pas dire pour autant qu’elles accèdent autant aux postes à responsabilités hiérarchiques que les hommes. En effet en règle générale, lorsqu’elles sont managers, elles seront principalement des managers de proximités avec une répartition sexuée des métiers ou sphères professionnelles qui persiste. Malgré cette évolution positive, les normes dominantes et les modes managérial restent empreints des modèles, des règles historiquement masculins (disponibilité, performance, mobilité).
Nous pouvons percevoir aujourd’hui une tendance à opposer deux styles de management c’est-à-dire un management plus directif et hiérarchique (plus agressif, compétitif, esprit de domination) serait vu comme plus masculin que le management plus participatif et coopératif (écoute, participation, négociation) qui traduirait un management plus féminin.
Selon la revue Française de gestion, les stratégies des femmes pour faire exploser ce plafond de verre seraient liées à
-Une volonté de progresser dans leur carrière,
-Une capacité à adopter certains traits de comportements masculins,
-L’estime de soi,
-Une réussite dans les missions à fortes visibilité,
-Un exercice de l’autorité de façon adaptée.
Quels pourraient être les leviers pour dépasser ce plafond de verre ?
Sans dresser une liste exhaustive, je pense à quelques points
-Passer par l’éducation dès le plus jeune âge afin de sensibiliser sur les enjeux de l’égalité et du respect de la différence. Nous devons dépasser les stéréotypes, les conditionnements socio culturels
-Oser, s’exprimer, agir
-Savoir dire non
-Se singulariser, valoriser ses différences
-Savoir saisir sa chance
« La guerre des sexes » est inutile et la mixité n’est pas un gage en soi. Il faut persévérer et favoriser la conscience collective pour aller encore plus loin. Faire des hommes des alliés et réciproquement.