ChroniquesPublié le 07 mars 2025
Violences au travail, Chronique radio balises Elen Mailfert
https://radiobalises.com/station/hitineraires-et-violence-au-travail/
De quoi parle t - on ?
Les violences au travail sont tout d’abord à resituer dans le champ des risques professionnels et plus précisément des risques psycho-sociaux. Cela signifie que l’employeur, selon le code du travail, dispose de l’obligation légale d’assurer la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs en prévenant l’émergence des violences en milieu professionnel.
L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) propose une classification des violences en deux catégories :
- Celles dites internes, propres à l’organisation soit, au sein du personnel et,
- Celles provenant de l’externe, par exemple des clients, partenaires ou fournisseurs.
Quelles types de violences ?
Les violences au travail recouvrent un large spectre. Cela va des violences verbales, psychologiques ou physiques jusqu’aux harcèlement moral et sexuel ou encore les actes de discrimination font partis. Il est important d’avoir en tête que les violences ne sont pas toujours visibles. Elles peuvent être insidieuses. Le silence ou l’ignorance sont par exemple des violences discrètes.
Dans les différents types de violences, qu’elles soient internes ou externes on retrouve les incivilités comme l’impolitesse, des moqueries…Les agressions verbales qui peuvent se caractériser par des reproches, des insultes, des menaces ou remarques humiliantes. Enfin, les agressions physiques comme des bousculades, des coups… Et, on l’oubli parfois, les actes de vandalisme, c’est-à-dire la détérioration des outils de travail ou des locaux. Selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), il s’agit de « situations dans lesquelles une personne est menacée, agressée ou maltraitée dans le cadre de son activité professionnelle ».
En psychologie du travail, on part du principe que c’est lorsque des points de tension dans l’activité, des difficultés ne peuvent pas ou plus être entendues et discutées que la violence est le dernier mode d’expression délétère auquel les personnes ont recours.
Frequences de ces violences ?
Malheureusement, oui. Selon la DARES, en 2023, 42 % des salariés déclaraient avoir été confrontés à au moins une forme de violence au travail au cours des douze derniers mois.
Parmi eux, 30 % rapportaient du harcèlement moral, et 7 % des agressions physiques. Par exemple, les comportements agressifs et les incivilités envers le personnel de France Travail (anciennement Pôle emploi) ont augmenté de 12 % en 2023 par rapport à l'année précédente.
Ces violences, au-delà de leur expression fréquentes dans des interactions interpersonnelles, découlent la plupart du temps dysfonctionnements organisationnels et parfois on peut aller jusqu’à parler de maltraitance institutionnelle.
On peut prendre l’exemple des surveillants pénitentiaires qui travaille en milieu carcéral dans un contexte où, en 2024, on compte 79 000 détenus pour 62 000 places. Cette surpopulation affecte non seulement les détenus, mais aussi les conditions de travail des surveillants avec des agressions contre le personnel qui se multiplient, en créant une situation qu’on peut qualifier d’"explosive".
Concernant le harcèlement sexuel, vous avez probablement entendu parler de l’enquête Radio France qui a mis en lumière de nombreuses situations vécues au sein d’Air France. Avec principalement des victimes féminines ayant fait l’objet de propos sexistes ou d’agressions sexuelles de la part de certains collègues masculins. Ces témoignages ont révèlés une culture d’entreprise où ce type d’agissements perdurent depuis des années par une forme de banalisation, de silence et de déni collectif.
Quels sont les impacts ?
Les conséquences sont multiples. Pour les individus, les violences au travail peuvent notamment entraîner du stress, des traumatismes durables, de l’anxiété, des troubles du sommeil, une diminution de l’estime de soi, voire des dépressions sévères. Ces effets peuvent ainsi conduire à des arrêts de travail prolongés et affecter la vie personnelle des victimes.
Pour les organisations, cela peut se traduire par une augmentation de l’absentéisme, une baisse de la productivité, un climat de travail délétère et une détérioration de l’image de l’entreprise. Elles ne doivent donc pas être banalisées comme je peux parfois entendre en consultation ou en entreprise « c’est notre quotidien », « cela fait partie du boulot », « il est comme ça mais ce n’est pas méchant ».
L’employeur a l’obligation légale de mettre en place une politique interne de lutte contre les violences par le biais d’actions de prévention, de sensibilisation, de formations spécifiques. L’organisation du travail doit être pensée pour minimiser les risques. Des temps de discussion autour de l’activité concrète de travail et de ces difficultés doivent être prévus pour limiter la montée en puissance de points de tensions, d’agacement comme le fameux effet « cocotte minute ».
Enfin, la mise en place de procédures claires pour le signalement et le traitement de ces situations est indispensable pour d’une part les reconnaitre et d’autre part, les prendre en charge de façon appropriée.
Que peut faire le salarié ?
Il est tout d’abord important d’éviter de rester isolé. Selon l’entreprise où l’on travaille, des dispositifs peuvent être prévus. Il est donc important de repérer les personnes de confiance au sein de son entreprise. Il peut s’agir d’un supérieur hiérarchique, d’un représentant du personnel, d’un référent harcèlement ou d’une personne des ressources humaines. Et n’oublions pas le médecin du travail ou l’inspection du travail.
En fonction de la gravité des faits, un dépôt de plainte ou une main courante peut s’avérer nécessaire et tout à fait légitime. Des associations spécialisées offrent également un soutien psychologique et juridique aux victimes comme l’association Corps et âmes sur Auray ou France victime.
Elements clefs
La lutte contre les violences au travail nécessite une mobilisation collective. Qu’on soit employeur, manager, collègue, client ou encore partenaire externe, nous sommes tous acteurs et nous avons tous un rôle à jouer.
C’est une problématique sociétale qui appelle avant tout notre responsabilité citoyenne.